Grand ballet classique 1862
« Une place pour … » vous propose ce mois-ci de plonger au coeur d’un ballet trop souvent oublié et plutôt méconnu : La fille du pharaon. Aujourd’hui dansé exclusivement par le Bolshoi, il fut autrefois l’un des ballets les plus populaire et apprécié de son époque.
Ce sont les retransmissions des ballets du Bolshoi dans les cinémas Pathé lancées en 2009 qui ont permis à certains de découvrir La fille du Pharaon. Par ce biais le ballet a été diffusé dans 120 cinémas en France en 2014.
UNE OEUVRE MONUMENTALE & MODERNE
Un ballet d’un nouveau genre : un grand spectacle
UNE OEUVRE QUI A FAILLIT DISPARAITRE
C’est grâce au travail de Pierre Lacote que nous connaissons l’oeuvre aujourd’hui
SYNOPSIS
Découvrez une histoire romantique et pleine d’exotisme
Ballet en 3 actes et 9 tableaux
Chorégraphie Initiale
Marius PETIPA
Musique
Cesare PUGNI
Recherche & rédaction
Manon RAMAGE
Une oeuvre moderne et monumentale
Ce ballet marquera un tournant dans la carrière de Marius Petipa puisque ce sera le premier ballet qu’il chorégraphiera en entier et ce sera le dernier ballet qu’il dansera avant de se consacrer à sa fonction de maître de ballet.
Le contexte de création du ballet
En effet, depuis son arrivée à St Petersbourg en 1847 Marius Petipa n’avait chorégraphié que des petits ballets d’un seul acte ou repris des ballets créés par d’autres chorégraphes. La fille du Pharaon sera donc son premier grand ballet spectaculaire où il pourra exprimer toute sa personnalité et sa créativité.
Cette opportunité lui est offerte par la nécessité de créer un rôle pour la danseuse Carolina Rosati qui doit faire ses adieux à la scène. C’est un véritable défi que lui lance le directeur du Mariinski Théatre en lui donnant un délai très court. Le ballet doit être prêt en 6 semaines, et malgré cette contrainte importante Petipa va réussir à sortir son épingle du jeu et à créer un ballet qui connaitra un énorme succès, et qui lui permettra d’accéder au poste de second maître de ballet en titre.
Les inspirations de Marius Petipa
Pour créer ce ballet il s’appui sur un ouvrage à la mode « Le roman de La momie » (1857) de Théophile GAUTIER et inscrit ainsi son histoire dans quelque chose qui fascine à son époque : l’Egypte ancienne et l’exploration de ses découvertes.
En effet avec la campagne égyptienne de Napoléon fin 18ème, la mise à jour du site archéologique de Memphis par l’archéologue Auguste Mariette en 1851, ainsi que le commencement des travaux du canal de suez en 1859, l’Egypte est à la mode. Toutes ces découvertes ont incité l’élite cultivée à voyager et ont suscité l’imagination des artistes de l’époque.
Petipa en choisissant de créer une histoire se déroulant en Egypte ancienne s’inscrit donc dans ce mouvement. Le ballet va venir donner vie à tout cet imaginaire et cet idéal que peuvent se faire les gens de l’Egypte ancienne à cette époque là. Cela sera un ballet plein d’exotisme, romantique et avec des costumes fastueux.
La naissance du style Petipa
Pour sa création Petipa collabore avec Cesare Pugni qui crée la musique pour le ballet. Petipa est très exigeant et précis et souvent Pugni est à bout de nerf et déchire des partitions entières alors que Petipa a déjà chorégraphié les pas allant sur cette partition. Cette collaboration reste tout de même un succès car la musique du ballet est très belle, agréable et comme le souhaitait Petipa colle parfaitement à la chorégraphie.
Dans ce premier « vrai » ballet de Marius Petipa s’exprime pour la première fois le style de son créateur, il chorégraphie beaucoup de variations, de grands ensembles avec un nombre important de danseurs sur scène et insère des morceaux de caractère ainsi que des scènes de pantomime. Autant d’éléments que l’on retrouvera dans ses oeuvres majeures (comme la Belle au bois dormant, le Lac des cygnes). Avec la fille du Pharaon Petipa va instaurer son style, un ballet spectaculaire et merveilleux qui donne aux spectateurs un grand spectacle.
Le 18 janvier 1862, lors de la première, le public ébahi assiste à quelque chose de totalement nouveau un ballet somptueux sans égal dans histoire du spectacle de la première moitié du 19ème siècle. Tout est incroyable les défilés sans fin, les décors majestueux, les costumes colorés et exotiques, les danses de groupes, les solos ainsi que la distribution de premier choix.
Un succès immédiat et retentissant
Le ballet connu un tel succès qu’obtenir une loge pour le spectacle relevait de l’exploit et ce malgré le fait que celui-ci durait presque 4 heures (il commençait à 19h30 et finissait un peu avant minuit). Même si l’histoire manquait de cohérence historique le public y retrouvait tout ce qu’il attendait d’un spectacle ayant pour thème l’Egypte ancienne. Il y a une chasse au lion, du romantisme, des animaux exotiques (singes, chameaux, lions…), un serpent venimeux dissimulé dans un panier, des naïades dans les profondeurs du Nil. Selon les spectateurs de l’époque l’apothéose est grandiose.
Le ballet aux 400 participants connu un tel succès qu’il resta pendant de nombreuses années en tête du palmarès du Répertoire et bien devant La belle au bois dormant.
Les différentes versions du ballet avant qu’il ne tombe dans l’oubli
A la base le ballet a été créé pour le ballet impérial de Saint Petersbourg en 1862, deux ans plus tard il est remonté au théâtre du Bolshoi de Moscou.
C’est un ballet qui plait beaucoup aux danseuses particulièrement à Mathilde Kschessinska qui y brille par sa technique mais aussi grâce aux diamants créés par Fabergé et que lui offre la famille Romanov.
Alexandre Gorski monte aussi sa version à Moscou en 1905 et Anna Pavlova vient spécialement de St Petersbourg pour danser cette version.
Pourtant lors de la révolution Bolchevique le Ballet est retiré du Répertoire. En 1928 la fille du Pharaon est donné de nouveau au théâtre Mariinski de St Petersbourg mais il ne convint toujours pas le régime malgré ses chorégraphies bluffantes. C’est à partir de là qu’il va tomber dans l’oubli (l’arrivée du cinéma a détourné le public des spectacles aux thèmes exotiques et antique en lui volant la vedette) jusqu’à ce que Pierre Lacote décide de reconstituer ce monument du ballet.
Une Oeuvre qui a faillit disparaitre
Ce ne fut pas une mince affaire, tout commença lorsque Lioubov Egorova, un de ses professeurs de danse lorsqu’il prenait des cours en parallèle de l’Opéra de Paris, lui raconta l’histoire du ballet dans lequel elle avait incarné le premier rôle, celui d’Aspicia. Avant de mourrir cette dernière lui confie ses craintes de voir les classiques disparaître. Pierre Lacote se fixe alors pour mission de faire revivre ces classique oubliés.
Il commence par remonter la Sylphide en 1971 puis continue sur sa lancé avec Coppélia, Giselle et Paquita et devient ainsi un spécialiste de l’exercice. Il confiera en 2014 qu’il adore « fouiller dans les archives de la bibliothèque-musée de l’Opéra, je me sens comme un enfant qui découvre des lettres de ses grands-parents au grenier ! »
Ainsi Vladimir Vlassiliev, directeur du Bolshoi à l’époque, le contacte pour remonter la fille du Pharaon.
Va alors débuter une véritable enquête car mis à pars quelques infimes parties de la chorégraphie que lui avait montré Lioubov Egorova il y a très peu d’informations sur le ballet.
Le peu d’éléments (partitions, décors, costumes) dont il dispose sont dispersés il devra faire appel à la mémoire de certains danseurs, chercher dans les musées et les collections privées. La partition de Cesare Pugni pu ainsi être reconstituée grâce aux documents originaux, en revanche pour la chorégraphie ce fut un véritable casse tête.
A Boston Pierre Lacote retrouve les notes de Petipa mais celles-ci sont illisibles mis à part une valse du deuxième acte. La collection Sergeyev permet d’éclairer le chorégraphe sur cinq des six variations présentes dans le royaume sous le Nil. Finalement il n’en conservera que de toutes petites parties.
Une danseuse russe lui appris l’un des solos qu’elle avait dansé, il alla même jusqu’à retrouver une danseuse de 94 ans la dernière interprète de ce ballet encore en vie. Malheureusement celle-ci l’avait dansé au début de sa carrière et ne se souvenait de rien cependant elle redonna espoir à Pierre Lacote. Elle va lui conseiller de se mettre à la place de Petipa et de retrouver l’esprit du ballet. Selon elle Pierre Lacote connait très bien le ballet romantique et a les capacités pour redonner toute sa splendeur à ce ballet oublié.
C’est ce qui sera l’élément déclencheur pour le chorégraphe qui, pour recréer les chorégraphies, reprendra l’esprit et le style de Petipa.
La première eu lieu en 2000 au Bolshoi avec dans le rôle principal Svetlana Zakharova l’une voire la plus grande danseuse actuelle. Le ballet reçu un accueil du public aussi enthousiaste qu’un siècle auparavant. En France la fille du Pharaon fut aussi donné mais il en choqua certains qui trouvaient qu’il incitait à la consommation de stupéfiants en raison de la scène d’ouverture où les protagonistes prennent de l’opium, ce qui leur permet de se laisser aller à la rêverie et ainsi de se retrouver en Egypte ancienne.
Aujourd’hui le ballet du Bolshoi est la seule compagnie à compter le ballet dans son répertoire.
Quoiqu’on en dise il s’agit d’un Ballet magnifique que l’on a la chance de connaitre aujourd’hui grâce au travail de recherche et de création de Pierre Lacote.
Les personnages
Aspicia
Ramzé
Lord Wilson / Ta Hor
John Bull / Passiphonte
Le roi de Nubie
Le Pharaon
Synopsis
ACTE I
Scène 1 :
Un explorateur Anglais Lord Wilson et son serviteur John Bull voyagent en Egypte. Au pied des pyramides ils rencontrent des marchands arabes lorsqu’une tempête de sable les oblige à s’abriter au coeur de la première pyramide venue.
Scène 2 :
Le gardien de la pyramide demande de ne pas faire de bruit et désigne le tombeau d’Aspicia, la fille d’un des plus puissants Pharaon d’Egypte. Les marchands arabes s’installent alors dans un coin de la pyramide et allument leur pipe d’opium. Lord Wilson intrigué, souhaite goûter à cet exotisme, l’un des marchands le met en garde contre la dangerosité de ce produit mais le jeune anglais veut éprouver lui aussi ces sensations d’évasion. L’opium faisant son effet, tous s’endorment et un rêve se forme. Les momies se réveillent, la fille du Pharaon Aspicia aussi et elle pose sa main sur le coeur de Lord Wilson, c’est alors que ce dernier et son serviteur deviennent égyptiens. Lors Wilson devient Ta Hor et son serviteur Passiphonte. Ebloui par la beauté de la princesse le jeune anglais décide de la suivre mais celle-ci disparaît dans une brume légère.
Scène 3 :
Les deux jeunes hommes se précipitent dans la forêt pour tenter de la retrouver et par miracle il l’a trouve endormie sur un rocher moussu. Ses serviteurs sont écrasés par la chaleur. Ta Hor s’avance vers la princesse celle-ci se réveille et reconnait le jeune homme. Tous deux se contemplent sans se préoccuper du monde qui les entourent.
Des cors de chasse retentissent et sortent les jeunes gens de leur rêverie. Aspicia demande à Ta Hor de se cacher mais l’esclave de Ramzé les surprend et suggère à sa maitresse de fuir. Les chasseurs arrivent et préviennent la princesse qu’un lion est présent dans la forêt, elle les rejoint alors pour procéder à la traque de l’animal. Le lion est cerné cependant il s’échappe et se précipite sur la princesse. Ta Hor qui a vu la scène sort de sa cachette s’empare d’un arc, tue le lion d’une flèche en plein coeur, et sauve la princesse qui s’évanouit dans ses bras. Il l’emmène en lieu sûr c’est à ce moment là qu’une sonnerie de trompette annonçant la venue de pharaon et sa suite retenti. En voyant sa fille inconsciente dans les bras d’un étranger il ordonne à ses gardes de l’arrêter. Heureusement sa fille revient à elle même et lui explique que Ta Hor lui a sauvé la vie. Le Pharaon reconnaissant, décide de le remercier en l’invitant au Palais.
ACTE II
Scène 4
Ta Hor se rend dans les appartements d’Aspicia pour lui déclarer sa flemme. Le Pharaon entouré d’une suite de haut dignitaire fait son entrée. Vient aussi le roi de Nubie venu demandé la main d’Aspicia. Le Pharaon accorde sa fille au Roi de Nubie et les deux hommes signent un traité d’amitié.
Aspicia tente de rassurer Ta Hor alors au bord du désespoir en lui jurant de n’appartenir à personne d’autre que lui. Le Pharaon ordonne que les festivités du mariage commencent. Une seule solution s’offre au jeune homme et à la princesse : fuir. Durant les festivités Ta Hor se voit remettre la clef d’une issue secrète par laquelle le couple s’enfuit. Lorsque le Pharaon prend conscience de leur fuite il est furieux et ordonne qu’on les fasse arrêter. Le roi de Nubie découvre le passage par lequel ils se sont échappé et décide de les poursuivre.
ACTE III
Scène 5 :
Ta Hor et Aspicia se cachent dans une cabane de pêcheur sur les bords du Nil. A la tombée de la nuit les pêcheurs s’apprêtent à partir pêcher et proposent aux jeunes amants de les accompagner, cependant Aspicia est fatiguée elle préfère rester au village pour se reposer. Ta Hor lui, décide de se joindre aux pêcheurs. Dès qu’Aspicia se retrouve seule, le roi de Nubie surgit avec ses gardes. La princesse, prête à tout pour lui échapper, se jette dans le nil. Lorsque Passiphonte et Ta Hor reviennent ils sont arrêtés par le roi de Nubie pour avoir enlevé Aspicia.
Scène 6
Aspicia est accueilli chaleureusement par le Dieu du nil qui reconnait en elle la fille du puissant Pharaon d’Egypte. Cette dernière souhaite revoir Ta Hor, alors le dieu du Nil fait apparaitre le jeune homme en haut d’une falaise puis dans les eaux limpides d’une cascade. Mais ce n’est pas suffisant pour Aspicia qui souhaite plus que tout retrouver son amant. Le Dieu du nil la renvoie alors sur terre.
Alors que le Pharaon attend désespérément dans son Palais qu’on retrouve sa fille, il menace de tuer Ta Hor s’il ne révèle pas la cachette de sa fille. Le jeune homme ne sait pas où elle se cache, le Pharaon décide alors qu’il doit mourir : mordu par un serpent venimeux. Heureusement Aspicia revient à temps au palais accompagnée des pêcheurs qui l’ont retrouvé après son séjour dans le nil. Elle raconte alors à son père toutes ces aventures et en particulier à quel point le roi de Nubie l’avait menacée et l’avait ainsi obligée à se jeter dans le Nil.
Le Pharaon décide alors de rompre le traité d’amitié qu’il avait avec ce dernier mais refuse de pardonner à Ta Hor d’avoir enlevé sa fille. Aspicia se déclare alors prête à mourir avec son bien aimé et approche sa main du serpent pour qu’il la morde. Le Pharaon la tire alors vivement en arrière, et touché par la profondeur des sentiments de sa fille pour Ta Hor décide de pardonner ce dernier et de bénir le jeune couple. C’est alors qu’au plus fort des réjouissances des nuages enveloppent la scène et tout s’efface.
Scène 8 :
Lord Wilson se réveille là où il s’était endormi, il regarde, ébahit, autour de lui puis il sourit en repensant au rêve merveilleux qu’il vient de faire.